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Intelligence artificielle en soutien face au Covid

Une quinte de toux dit tout de vous. Tout, du moins, pour une intelligence artificielle (IA) bien entraînée à déceler dans ces sons rauques les signes d’une pathologie. Des chercheurs du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston affirment qu’ils sont parvenus à développer un programme informatique capable de détecter la présence du Covid-19 chez des personnes asymptomatiques auxquelles on a demandé de tousser. « Une équipe de quatre personnes a travaillé pendant deux mois sur ce projet », indique le chercheur Brian Subirana, à l’origine de cette innovation. L’algorithme a été entraîné sur une base de 200 000 enregistrements de toux, dont 2 500 chez des porteurs du Covid. Selon ses concepteurs, il a réussi à détecter la présence du virus dans 98,5 % des cas chez les personnes malades et 100 % chez les asymptomatiques. Ce n’est pas tout à fait une première. Des modèles d’IA ont déjà été conçus par le passé pour repérer la pneumonie ou l’asthme en analysant le son de la toux. Et, même si cette innovation doit encore être validée par d’autres chercheurs, elle symbolise une tendance de fond dans la lutte contre la pandémie. Dans tous les pays, des initiatives parient sur cette technologie pour aider à la gestion de la crise sanitaire. Une sorte de baptême du feu à l’échelle planétaire.

 

« La France s’est dotée d’une stratégie pour l’IA et la santé a été choisie comme un secteur prioritaire, explique Renaud Vedel, coordinateur national dans ce domaine. L’idée est de rassembler des données sanitaires “pseudonymisées” pour permettre à des chercheurs, des laboratoires privés et des start-up de travailler à la détection de profils à risque, à l’administration de traitements appropriés, à l’interprétation des radiographies, etc. Tout cela pour mieux prendre en charge les patients et accroître les chances de guérison. » Créé en novembre 2019 par le gouvernement, le Health Data Hub a été rattrapé par l’épidémie et a dû rapidement lui consacrer tous ses efforts pour faire face à l’urgence de la situation. Mais il a fallu, au préalable, recueillir suffisamment de données pour ensuite être capable de les utiliser afin d’entraîner des IA grâce à l’apprentissage profond. Une masse d’informations issues des passages aux urgences, des feuilles de soins de l’Assurance maladie (1,2 milliard par an) et des résultats des tests virologiques (PCR). « Il a fallu être extrêmement réactifs dans un contexte compliqué, souligne Stéphanie Combes, directrice du Health Data Hub. Mais nous espérons lancer deux premiers projets avant de la fin de l’année. »

 

Le premier cherche à prédire le parcours de soins d’un patient en fonction de son profil. Certains sont plus sensibles à la maladie que d’autres (notamment les personnes sujettes à l’apnée du sommeil), il faut donc les orienter le plus rapidement possible dans les unités les plus adéquates. La start-up Sêmeia s’est liée à l’université de Grenoble pour développer une IA dans ce cadre. Le second projet associe la société Clinityx à un service de réanimation parisien pour tenter de prédire les cas les plus critiques. Ces pistes, si elles aboutissent, permettraient de mieux répartir les patients en fonction des ressources des hôpitaux et de réduire ainsi la pression sur le personnel face à la seconde vague. « Ces initiatives vont pouvoir utiliser nos capacités de calcul pour entraîner leurs algorithmes d’apprentissage automatique avec certaines des données de santé des Français », ajoute Stéphanie Combes.

 

Pour ce faire, il a fallu passer un contrat avec Microsoft, ce qui a suscité des craintes sur la sécurité des informations sensibles et sur la perte de souveraineté. Mais le gouvernement estime que l’entreprise américaine était la seule à présenter une offre susceptible de répondre dans l’urgence à l’analyse massive de données. Car, dans cette course contre la pandémie, certains pays ont déjà pris de l’avance. En Corée du Sud, l’hôpital d’Ilsan a annoncé début novembre être en mesure de prévoir le risque de mortalité dans 90 % des cas de Covid après avoir entraîné un algorithme avec différents paramètres issus de patients déjà traités: antécédents médicaux, caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, niveau de revenu) ou résultats d’enquêtes épidémiologiques. Un moyen d’optimiser le fonctionnement de l’établissement et de faire reculer le taux de mortalité.

 

A court terme, l’intelligence artificielle peut aussi apporter son aide en radiologie. La société française Thales, soutenue par l’agence de l’innovation de défense du ministère des Armées, a utilisé plus de 3 millions d’images issues de scanners des poumons de 5 500 patients pour mettre au point un système de reconnaissance d’images. « L’IA peut ainsi effectuer un prédiagnostic du Covid pour faire gagner du temps à un médecin, précise Marko Erman, directeur scientifique du groupe français. Ce dispositif sera prêt d’ici à la fin de l’année, et une nouvelle version améliorée, capable de se focaliser sur les lésions pulmonaires, arrivera plus tard. » En s’appuyant sur son expertise dans le domaine de la défense, l’entreprise travaille sur une autre piste, au Canada cette fois. Dans l’armée, le comportement d’un pilote d’avion, par exemple, peut être surveillé par une intelligence artificielle. En cas de stress trop important, il peut s’écarter des schémas habituels, et le programme avertit automatiquement la base de ce comportement anormal. « Nous tentons d’adapter ce dispositif à l’intubation des patients et leur sevrage, des opérations sensibles et complexes, poursuit le cadre de Thales. Ainsi, une personne un peu moins qualifiée pourrait suivre les recommandations du système. Dans 90 % des cas, sa suggestion correspond à la décision qu’un thérapeute expérimenté aurait effectivement prise. »

 

Les hôpitaux ne sont pas les seuls à s’appuyer sur des algorithmes. L’agence de santé du Royaume-Uni, la MHRA, vient de passer un contrat de 1,5 million de livres sterling avec la société Genpact afin de se doter d’un « logiciel d’intelligence artificielle pour traiter le volume élevé attendu de réactions indésirables au vaccin du Covid-19 ». Dès l’année prochaine, il sera donc possible de juger si cette technologie a tenu ses promesses… ou non. Michel Morvan, PDG de la start-up lyonnaise Cosmo Tech, attend déjà la prochaine étape. « Tous ces outils spécialisés sont très bien, mais ils ne prennent pas tous les paramètres en compte, nuance celui qui est aussi membre du réseau d’experts en intelligence artificielle de l’OCDE. Il faut pouvoir faire des liens complexes entre tous ces éléments pour réaliser des simulations à grande échelle sur l’évolution de l’épidémie et sa dynamique. » Une sorte de nouvelle étape dans l’IA. Une deuxième vague. ■

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